FRANCE: PROJET DE LOI IMMIGRATION ET INTEGRATION, QU’EST-CE QUI POURRAIT CHANGER POUR LES ETUDIANTS ETRANGERS ?

Par Riman VAN

Par Riman VAN

Introduction

      L’actualité parlementaire en France fait beaucoup jaser ces derniers jours. Le projet de loi « immigration et intégration » initié par le gouvernement français en février 2023, suscite déjà de nombreuses interrogations quant à la condition de l’étranger en France. Une chose est sûre et certaine, une fois adopté, et promulgué, ce projet durcira les conditions d’accès au territoire français et changera « radicalement » les conditions de séjour des étrangers en France.  

    Dans cette perspective, on se demande bien quelles seront les conséquences de ce nouveau projet de loi sur les conditions d’accès au territoire et les conditions de séjour de l’étudiant étranger en France ?  

      Si certains amendements plaident pour l’assouplissement des conditions d’obtention du visa étudiant (I), d’autres militent en faveur d’une politique de « durcissement » des conditions de séjour de l’étudiant étranger sur le territoire (II). Les auteurs de cette dernière exigence entendent lutter contre les « fossoyeurs » qui utilisent ce canal, pour entrer légalement en France.

  1.   Vers un assouplissement des conditions d’obtention du visa étudiant ?  

        Comme nous l’avions indiqué dans nos propos introductifs, le projet de loi « immigration, intégration et asile » adopté par le Senat et soumis à l’Assemblée nationale fait beaucoup parler. Si ce projet est définitivement adopté, il apportera assurément des modifications considérables à la circulaire Valse et au code de l’entrée et du séjour des étrangers et droit d’asile (CESEDA).  

   Sur les conditions d’obtention du visa long séjour mention « étudiant », des amendements adoptés par le Sénat pourraient apporter des modifications significatives à la procédure campus France et aux démarches de visa pour les étudiants étrangers.

    En effet, dans l’amendement N° 149 adopté par le Senat le 28 octobre 2023, plusieurs sénateurs et les membres du groupe socialiste, Ecologiste et Républicain, ont exigé que l’article 4 du projet initial soit complété par la phrase suivante :

« Pour les visas de long séjour portant la mention  étudiant, le rapport indique, par pays, le nombre de visas accordés et rejetés, en précisant si l’étudiant dispose d’un baccalauréat français ou d’un diplôme étranger, le délai moyen d’instruction des demandes, le nombre des avis, positifs et négatifs, émis par Campus France pour des demandes de départ vers la France, et le nombre d’étudiants qui abandonnent leurs études en France en cours de cursus[1]».

    Les auteurs de cet amendement exigent que la transparence soit faite sur les conditions d’examen et de délivrance des visas long séjour portant la mention « étudiant ».  Cette transparence est nécessaire pour mesurer les obstacles auxquels font face les étudiants étrangers à l’occasion de leur demande de visa.[2]

     En effet, selon les auteurs de l’amendement, dans de nombreux pays d’origine, les demandes de visa « étudiant » constitueraient des barrières à l’accès au territoire français. Ils mettent l’accent sur la durée de l’attente pour obtenir un rendez-vous – une situation à laquelle s’ajoute la liste complexe des documents à fournir par l’étudiant.

     Par ailleurs, les auteurs de l’amendement ont souligné la complexité de la procédure de délivrance des visas. Ils ont considéré à cet égard que, le passage obligatoire par Campus France avant d’introduire une demande de visa au Consulat, n’avait aucun intérêt pour l’étudiant qui a déjà été accepté par un établissement d’enseignement supérieur en France.  En sus, l’agence campus France peut émettre un avis négatif sur la demande de visa sans que l’étudiant n’en soit informé.[3]  

      L’étudiant poursuit alors des démarches longues et coûteuses pour déposer une demande de visa au consulat (garantie de ressources, logement, assurance…) tout en ignorant qu’il n’a aucune chance d’obtenir son visa. Cela conduit à un refus de visa non correctement motivé, puisqu’appuyé sur un avis de Campus France qui reste confidentiel et ne peut faire l’objet d’une procédure contradictoire de contestation, et le jeune aura perdu du temps, parfois une année scolaire, en renonçant à rechercher d’autres options vers d’autres pays.[4]

       En somme, les auteurs de l’amendement plaident pour la transparence des conditions de délivrance des visas étudiants dans les consulats de France à l’étranger. Si le projet de loi est définitivement adopté, il pourrait favoriser à l’avenir un assouplissement des conditions d’obtention du visa pour les étudiants étrangers. En revanche, il pourrait durcir les conditions de séjour de l’étudiant étranger en France (II).

II.. Un éventuel « durcissement » des conditions de séjour de l’étudiant étranger en France

    Si certains amendements adoptés par le Senat semblent militer en faveur d’une transparence des conditions de délivrance du visa étudiant, d’autres amendements militent, a contrario, en faveur d’un durcissement des conditions de l’étudiant étranger en France.  C’est le cas de l’amendement N° 340 qui renforce les conditions d’obtention du premier titre de séjour étudiant.

     En effet, aux termes des dispositions de cet amendement :

« Art. L. 412-…. – La première délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention ‘’ étudiant ‘’ mentionnée à l’article L. 422-1 est subordonnée au dépôt par l’étranger d’une caution[5] »

     Comparativement à l’ancien régime, l’étudiant étranger, une fois admis à séjourner en France, se voit délivrer par la Préfecture un titre de séjour étudiant sans condition particulière. Désormais, avec le nouveau projet de loi, l’obtention du précieux sésame sera conditionné par le dépôt préalable d’une « caution-retour » dont le montant sera défini par décret en conseil d’Etat ultérieurement.[6]

         Par ailleurs, l’amendement précise que :

« La caution mentionnée au premier alinéa est restituée à l’étranger lorsqu’il quitte la France à l’expiration du titre de séjour mentionné au même alinéa, en cas de renouvellement de ce titre de séjour ou en cas d’obtention d’un autre titre de séjour avec changement de motif[7] ».

     Ainsi, il est prévu la possibilité pour l’étudiant ’étranger de récupérer sa caution. En revanche, il devra remplir trois conditions essentielles : la première concerne le départ du territoire français à l’expiration du titre de séjour. C’est-à-dire, lorsque ce dernier quitte le territoire français au moment où son titre expire, la préfecture devrait lui restituer l’intégralité de sa caution.

    La deuxième condition concerne le cas de renouvellement du titre de séjour. C’est le cas lorsque l’étudiant poursuit son cursus universitaire sur le territoire.

    La troisième et dernière condition concerne   le changement de « statut ».   Par exemple, lorsque l’étudiant fait son entrée dans le monde professionnel, il est contraint de passer du statut d’étudiant au statut de « salarié ». À cet effet, la Préfecture lui délivre un titre de séjour mentionné « salarié temporaire ».  Ou encore, lorsqu’il obtient un titre de séjour « vie privée familiale » ou autre motif.

        Enfin, en sus de ces conditions drastiques, l’étudiant comme toute catégorie d’étranger ne pourra bénéficier des aides au logement et aux allocations familiales qu’après cinq ans de résidence « permanente » et de séjour régulier sur le territoire français.[8] 

     Il semble à notre avis, qu’une telle exigence soit disproportionnée. Elle pourrait entraîner à l’avenir une certaine « inégalité » sociale envers les étrangers – car, un étudiant arrivé légalement sur le territoire, qui travaille en dehors de ses études et en plus, paie des cotisations sociales, pourrait se voir priver « d’aide au logement » au même titre qu’un autre étranger qui ne travaille pas. Ce qui semble à notre égard « injuste » et contraire au « principe d’égalité de traitement » dans la République.

Conclusion

        Somme toute, même si le projet de loi « immigration et intégration » initié par le gouvernement   français en février 2023, apporte assurément des améliorations substantielles à la condition de séjour des étrangers en France, il n’en demeure pas moins que certains amendements adoptés par le Senat durcissent les conditions de séjour des étudiants étrangers en France. Si le projet de loi est définitivement adopté, ces amendements ne mettront-ils pas en cause les droits fondamentaux de l’étudiant étranger en France ?     

Riman VAN

Est doctorant en droit international, européen et comparé

 À l’université Jean Moulin-Lyon 3 en France

Il est par ailleurs conférencier, écrivain, essayiste,

Et juriste conseil en droit des étrangers et de l’immigration légale

Chez SIDIAC-international

Notes


[1] Voir :  Le site officiel du Sénat, Projet de loi immigration et intégration : liste des amendements adoptés par ordre de discussion, Amt n°149, p.1.

[2] Ibid., p.2.

[3] Ibid.

[4]  Pour plus de précision, voir le site officiel du Sénat. https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/434/Amdt_149.html

[5] Voir le site officiel du Sénat, Projet de loi immigration et intégration : liste des amendements adoptés   par ordre de discussion, Amt n°340, p.1.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Voir Service public, « Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », 14 nov.2023, p.5.

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